Extrait de Musique Bretonne n°175, décembre 2002 :
Complément d'information par C. Morvan
Suite au dossier paru dans le n° 173 de MB consacré aux percussions dans la musique bretonne, nous avons reçu un complément d'information de Christian Morvan.
«Après la lecture de l'intéressant dossier consacré aux percussions, nous proposons de présenter ici une rapide recherche des traces de percussions, sans doute incomplète, dans l'abondante production discographique bretonne.
Le tambour accompagne le couple biniou et bombarde depuis au moins la fin du XVIIIè siècle, les dessins d'Olivier Perrin (1761-1832) pour sa Galerie bretonne éditée la première fois en 1808, en sont le plus précieux témoignage.
Il semble par la suite que le tambour disparaisse dans le sud finistère. On notera, par exemple, que le célèbre Matilin an Dall (1789-1859) de Quimperlé ne sonne pas avec un tambour, comme ses compères de Basse-Cornouaille. A la même époque (milieu X!X siècle}, nous possédons de nombreuses attestations de sonneurs accompagnés par un tambour dans le Pays vannetais et dans le sud des Côtes d'Armor. Le tambour reste de mise en Haute-Cornouaille jusqu'à la dernière guerre et plus particulièrement avec l'accompagnement des clarinettes, alors qu'il a disparu dans les autres régions. C'est à la préparation de l'album Sonerien Treujenn-Gaol (1) qu'il faut faire remonter les premières recherches sur cet instrument. J'avais d'ailleurs publié un article sur ce sujet dans Musique Bretonne (2) Avec l'abandon du tambour, les percussions ne disparaissent pas pour autant de la musique bretonne Les accordéonistes (3) utiliseront le "jâze" (grosse caisse actionnée par le pied du joueur). Avec l'évolution, cette grosse caisse devient une batterie complète dans des orchestres mélangeant avec brio danses locales et style musette. Ces orchestres continuent encore aujourd'hui à animer les bals guinguettes du dimanche après-midi, comme les regrettés JoFeRo (4).Avec l'apparition des bagadoù, c'est une nouvelle ère qui s'ouvre pour la musique de notre région Après quelques tâtonnements à l'époque de la K.A.V. et des premiers bagadoù de l'après-guerre, c'est une technique écossaise qui attire les batteurs de l'époque. Elle s'impose d'ailleurs assez rapidement sans contestation et perdure encore aujourd'hui.
L'évolution est bien différente dans les groupes de festoù-noz. On peut noter la présence de percussiorns dès l'apparition des premiers groupes. Je ne donnerai ici que trois noms parce qu'il est encore possible de les écouter grâce à leurs productions discographiques. Tout d'abord l'ensemble Evit Koroll (5) de Rennes dirigé par Jean L'Helgouach où les diverses percussions ne tiennent qu'une petite place. Notons ensuite Son ha Koroll (6), groupe brestois dirigé par Pierre-Yves Moign, ici la batterie rock complète joue un rôle rythmique important. Pour terminer, je signalerai An Namnediz (7), qui utilise sur cet enregistrement tardif une caisse claire.
Avec le choc Stivell du début des années 70, c'est une nouvelle génération de groupes qui arrive, parmi eux Bleizi Ruz (8), comme le note justement Dominique Molard, mais aussi de nombreux autres groupes qui intègrent les percussions. Notons Avel Nevez (9) qui, avec Dominique Le Bozec, utilise la batterie complète. II est quand même vrai que la batterie et les percussions, ont du mal à intégrer ces jeunes groupes, en comparaison, la guitare basse s'installe rapidement. Les instruments à la mode dans cette période sont plutôt, hormis le couple biniou-bombarde, la guitare et la flûte, on est en pleine période folk.
Aujourd'hui les groupes de fèstoù-noz sans percussions sont presque plus rares que ceux qui en possèdent.En ce qui concerne le tambour et les sonneurs, si quelques essais de reconstitution du trio biniou, bombarde et tambour, ont été réalisés dans les années 50 et 60, il faut attendre les années 1980 pour retrouver les premières traces significatives. Il ne faut pas oublier le trio Jean Baron (bombarde), Christian Anneix (biniou) et Hervé L'Hyver (tambour) (10) qui, en 1981 et 1982, sortent deux albums, qui n'auront pas véritablement d'impact. L'évolution suivante importante sera une reconstitution de l'Orchestre National Breton de Roland Becker au début des années 90 (11) avec d'abord Antonin Voison au tambour. Ce véritable orchestre est une reconstitution haute en couleurs du trio biniou, bombarde et tambour du début du XIXè siècle.
Comme précurseur à cet ONB, il faut citer le couple de treujen-gaol Goulc'hen Malrieu et Olivier Urvoy (12) qui, à la fin des année, 80, avec Henry Naour au tambour, forme un trio de choc, dans les fêtes du Trégor et du pays plinn-fisel.
Aujourd'hui le tambour accompagne plusieurs couples de sonneurs aussi bien en pays Gallo qu'en Basse-Bretagne, comme par exemple les frères Auffray (vielle et clarinette).L'histoire de la musique bretonne n'est qu'une succession d'évolutions, suivi de retours en arrière l'exemple du tambour n'en est qu'un parmi d'autres»
Christian Morvan
- (1) Sonneurs de clarinette en Bretagne, Ar Men-Datsun, 2x30 cm, 1985
- (2) "Le tambour, un instrument breton", n°66,décembre 1986, pp4-6
- (3) Jean-Marie Manceau, K7, La Bouèze
- (4) JoFeRo, Bal à papa en Centre-Bretagne CD 873, Coop Breizh, 1997
- (5) Evit Korol, Danses populaires Bretonnes, vol.1 (450 v 032) et vol 2 (450 v 033) Ducretet-Thomson, 17 cm, 45t 1956
- (6) Son ha koroll, Orchestre Celtique de Bretagne, vol 1 (86030) et vol 2 (86031), Barclay, 25 cm, 33t, 1957 et 1958
- (7) An Nammediz, 45126, Mouez Breiz, 17 cm, 45t, 1966
- (8) Bleizi Ruz, SB 326, 30 cm, 33t, Ar Folk, 1973
- (9) Avel Nevez, La Belle de Josselin, SB 370, 30 cm, 33t, Ar Folk, 1978
- (10) Musique traditionnelle de Bretagne, ARN 33580 et ARN 33692, 30 cm, 33t, Arion, 1981 et 1982.
- (11) En Bretagne Morbihanaise, CD 423, Coop Breizh, 1993 ; Trio ONB, CD 4 titres, CD 448, Coop Breizh, 1998
- (12) Ce trio n'a pas laissé d'enregistrement, on peut retrouver les clarinettes accompagnées de Antonin Volson sur le CD : Pa'avez gwelet Bro-Dreger o tansal ! DAS 140, Datsum, 2001.